Penser, saisir un donné, fonder un discours sur les choses visibles et invisibles, c'est toujours accorder crédit à des invérifiables. C'est-à-dire s'en remettre peu ou prou à des puissances hors de contrôle, et espérer tirer profit à terme de cette confiance. Ces paris définissent le croire, et on reste étonné par le grand saut dans le vide qu'ils supposent. Il y a là une fascination du vertige que les théologiens ont souvent commentée et valorisée à propos de la foi, mais dont témoignent également maintes conduites propres à la sphère des échanges matériels. Des pratiques religieuses à l'activité économique en passant par les usages de la langue, l'invention des formes sociales ou la constitution des oeuvres, partout surgit le paradoxe de la croyance. C'est pourquoi il importe de le reconnaître et de l'examiner en chacune de ses manifestations : les procédures et les enjeux chaque fois diffèrent. Les essais contenus dans ce livre entendent apporter à ce travail leur contribution. Ils tiennent leur unité d'une sorte de fil conducteur : l'oeuvre de Jean-Michel Rey, penseur du crédit et de la croyance sous toutes leurs formes, à laquelle ils se réfèrent abondamment et que parfois ils commentent directement.