Ce livre propose un aperçu historique de la Hongrie, et traite de sa langue et de sa littérature.
Le travail que nous donnons au public traite d’une langue et d’une littérature encore fort peu connues en France, et qui offrent toutefois quelque intérêt. Plusieurs savants français éminents se sont occupés à différentes reprises du peuple magyare, de son pays, de sa langue et de sa littérature ; mais nous croyons être le premier hongrois qui parle de son pays au public français. Qu’il nous soit permis, tout d’abord, de rendre hommage aux bienveillants efforts qui ont été faits pour porter la vie du peuple magyare à la connaissance de la France...
Au commencement de ce siècle, un des plus grands écrivains d’outre-Rhin a dit, en parlant de ma langue natale : « Dans cinquante ans, la langue magyare ne sera plus qu’un souvenir, qu’une légende. » Il est arrivé exactement le contraire de ce qu’il avait prédit. L’idiome de la langue magyare est définitivement devenu la langue officielle de six millions d’hommes, et les œuvres d’un grand nombre de poètes et de prosateurs témoignent de sa vitalité. Herder s’est donc trompé aussi bien que l’empereur Napoléon Ier lorsqu’il prétendait que dans cinquante ans l’Europe serait cosaque ou républicaine.
Il n’est ni indifférent ni inutile pour la France de connaître l’esprit de cette langue mâle et sonore, et de lire, ne fût-ce que dans une traduction, quelques pages de cette poésie, tantôt si mélancolique, tantôt si franchement gaie, et de cette prose à la fois précise et rêveuse.
Je me propose donc de signaler les particularités de la langue magyare en faisant ressortir les caractères originaux qui la séparent des langues indo-européennes et ceux qui la rattachent aux idiomes tchoudes ou finnois. Qu’il me soit permis de donner ici, comme dans une esquisse rapide, un aperçu historique de ce peuple qui, jaloux de ses traditions, a su garder intactes sa nationalité, sa constitution et sa langue.