De plus en plus, on s'accorde à reconnaître en Jean Barraqué l'un des grands compositeurs de la seconde moitié du vingtième siècle. Bien qu'il n'ait laissé que sept oeuvres, dans chacune d'elles on entend une voix puissante et originale. Il avait pleinement conscience qu'en tant que créateur il lui incombait d'entraîner ses auditeurs dans des aventures difficiles dont ils sortiraient inévitablement transformés. Après l'effondrement moral dont il avait été témoin durant son enfance au cours de la Seconde Guerre mondiale et confronté au désastre culturel ambiant, il s'assigna la tâche d'élaborer une musique qui serait une voix arrachée au chaos. Trois rencontres furent déterminantes. L'une fut celle de Pierre Boulez, son aîné de trois ans, qui lui donna les clés d'un nouveau langage musical langage qui devint chez lui plus dramatique, plus puissant et plus passionné que chez Boulez. La seconde fut celle de Michel Foucault dont il fut quelque temps très proche et avec lequel il entretint un dialogue qui eut sur tous les deux une influence décisive. Enfin, c'est dans les écrits d'Hermann Broch, essentiellement dans son roman La Mort de Virgile, qu'il trouva le mythe dont il avait besoin pour son oeuvre. Il jouait gros et prenait des risques, personnellement et dans son art. Excessif et ombrageux, même avec ses amis les plus proches, il est mort en 1973 à quarante-cinq ans.