Le 25 janvier 2011, des millions d’Égyptiens prennent les rues en scandant Dignité, liberté et justice sociale. Ce slogan l’exprime clairement, l’insurrection n’a pas pour unique objectif le renversement du président Moubarak et de son régime, ni ne ressort simplement d’une crise de l’État et du parti régnant. La révolution du 25 janvier révèle et précipite des mutations sociales corrélatives d’une rupture générationnelle. Elle met en jeu des revendications d’ordre éthique. D’où l’enthousiasme suscité par cet événement. La révolution, c’est aussi une terrible machine de destruction. Creusant les dissensions, elle s’en nourrit, en joue, au risque d’être jouée à son tour. Certes, les gouvernements souvent concoctés en coulisse doivent s’afficher comme les représentants de la révolution ou du peuple. Mais les courants révolutionnaires, ne visant pas le contrôle de l’appareil d’État, ont pour seul pouvoir celui de paralyser le pays et de démettre les gouvernants. Alliées, rivales, et ennemies, les forces conservatrices, les Frères musulmans et les officiers militaires, se sont succédé à la tête de l’exécutif sans entendre les demandes révolutionnaires.