Une certaine histoire littéraire en France s’entête à nier l’existence de toute littérature juive antérieure à 1900. Armand Lunel, par exemple, a soutenu que, jusqu’à la fin du xixe siècle, « une littérature que l’on pouvait qualifier spécifiquement et exclusivement de juive était inexistante en France […]. C’est en vain qu’on chercherait dans les Belles-Lettres un auteur juif qui s’exprimerait en tant que tel ». Mais a-t-on jamais réellement examiné cette production littéraire et cherché à comprendre ce qu’elle nous dit des dynamiques de l’émancipation, de l’assimilation juive ? Ce livre entend combler cette lacune, et, loin du préjugé selon lequel la contribution française à la culture juive serait insignifiante et de qualité médiocre, il postule au contraire l’existence d’une littérature juive féconde au xixe siècle, pourtant restée ignorée. Au delà de la preuve indéniable de son existence – et l’espace littéraire étant le lieu le lieu où les idéologies s’exposent en traits particulièrement saillants –, nous verrons que s’y expriment les problèmes essentiels de la modernité juive de l’époque, en particulier celui des mariages mixtes, de la conversion et du conflit entre liberté individuelle et tradition.