« On me demande souvent d’où vient mon intérêt puissant, comme sociologue, pour les croyances collectives. Cette passion prend ses racines secrètes dans mon adolescence. Pendant une dizaine d’années, j’ai été un croyant fiévreux et presque fanatique. Nous sommes dans les années 1980, j’ai quinze ans et je crois que Nancy est le centre de monde. Le plus grand événement de tous les temps s’y prépare. Autour de cette prophétie, une soixantaine de jeunes, souvent issus de milieux modestes, comme moi, vont former une horde qui scrute l’avènement de l’apocalypse. C’est cette épopée que je livre aujourd’hui, plus amusante que tragique… Aujourd’hui seulement parce qu’il m’a fallu du temps pour y revenir. Il y a des histoires que vous portez non en secret mais qui ne peuvent être racontées car elles sont encore trop vertes. Ici, l’histoire d’une radicalisation et d’un long processus de désengagement, qui ont fait de moi le rationaliste que je suis devenu. Loin de renier cette époque, je conserve pour elle une immense tendresse et la leçon essentielle que l’on peut croire à des choses folles sans être fou soi-même. Ambitieux, je caresse même l’espoir que ce récit d’initiation adolescente aidera à comprendre comment on devient un fanatique et comment on cesse de l’être – tout en continuant à aimer la vie, ses forces, ses signes et ses possibilités. Plus ambitieux peut-être encore, j’imagine que ce récit a une portée universelle : derrière l’épopée se dissimulent des questions existentielles, sociales métaphysiques, qui nous taraudent tous. »
G.B.