Participant du renversement de l’Ut pictura poesis au xixe siècle, le poème en prose cherche moins à imiter la peinture sur le mode de l’ekphrasis, qu’il concurrence les arts visuels mineurs en s’appropriant leurs dénominations génériques (bambochades, croquis…) pour ensuite les dépasser. Depuis la redécouverte de Rembrandt au xixe siècle jusqu’aux expérimentations de Kupka, la lumière et la couleur s’avèrent deux préoccupations majeures des arts visuels qui fascinent également les poètes de la même époque. Leur rhétorique se fait plastique pour transformer clair-obscur et couleurs en figures du texte. D’Aloysius Bertrand à Francis Ponge, c’est l’histoire d’un genre qui échappe aux classifications littéraires établies qu’explore cet essai, en scrutant les modalités selon lesquelles les poètes érigent des motifs visuels (fenêtre, miroir, oeil) en signes textuels de petits poèmes à voir plutôt qu’à lire.