Voici quelque 350 ans, en 1663, une «guerre comique» opposa Molière aux détracteurs de son École des femmes, créée en décembre 1662. Il mena ce combat à travers deux comédies, La Critique de l’École des femmes et L’Impromptu de Versailles, auxquelles répondirent une dizaine de pièces presque toutes dues à ses adversaires (à l’exception d’un partisan tardif). L’originalité de cette «querelle de L’École des femmes», c’est qu’elle se choisit le théâtre pour scène et la scène pour théâtre. Partant de cette intuition, on a tenté de modéliser cette polémique comme une vaste comédie à diverses voix, en l’éclairant à travers plusieurs grilles herméneutiques : celle de la prophétie auto-réalisatrice, pour éclairer l’ambiguïté de l’entrée en querelle ; celle de la prouesse, que Molière voulut opposer aux chicaneries de ses adversaires ; celle de l’écriture spéculaire et de la composition «ironique», qui réalisent l’œuvre dans la représentation de son échec ou le démontage de son artifice ; celle de la réécriture hypertextuelle, qui a transformé le conflit de textes en une ondulation polyphonique d’arguments et de thèmes empilés et partagés, etc. C’est un enchevêtrement de mobiles, de formes et de fins dont on cherche à démêler l’écheveau pour mieux comprendre le miracle esthétique que constituent la délicieuse Critique de l’École des femmes et le miroitant Impromptu de Versailles.