Un des arguments élaborés par les adversaires de la dèmokratia, le régime politique qui se met en place à Athènes au cours du Ve siècle avant notre ère, est que le peuple, bruyant et irréfléchi, serait incapable de délibérer. Aussi les décisions qu’il prend, tant à l’Assemblée qu’au sein des tribunaux populaires, lui seraient-elles toujours dictées par d’habiles démagogues, « meneurs du peuple ». Sur la colline de la Pnyx où se tiennent les séances de l’Assemblée ou sur les bancs des tribunaux, les citoyens athéniens sont accusés de se comporter comme au théâtre, en simples spectateurs de leur vie politique. Comment comprendre ce topos de la démocratie vue comme un spectacle ? Dans quel contexte historique s’est-il formé ? Que nous apprend-il des pratiques délibératives des Athéniens ? Le jugement de valeur qu’il implique est-il fondé ? Telles sont les questions auxquelles ce livre tente de répondre, amenant à revenir sur une conception exclusivement dialogique de la délibération. En effet, si aucun moment n’est explicitement dédié au dialogue pendant l’Assemblée et les séances des tribunaux, les échanges permanents entre les participants constituent une délibération informelle qui, avant même le vote à main levée, rend effective la souveraineté populaire. Ainsi, cette enquête n’entend pas concerner seulement les spécialistes du monde grec mais tous ceux qui s’intéressent aux questions de la délibération et de la participation, à la démocratie.