En quoi l’Amérique australe serait-elle traversée par des « frontières coloniales » jusqu’au XXe siècle ? En effet, si la conquête de l’Amérique par les Européens s’est concrétisée par leur prise de possession rapide de territoires répartis sur l’ensemble du continent, dès le XVIe siècle ils se heurtent à des limites qui marquent le pas de l’expansion coloniale. Celles-ci sont imposées par des peuples amérindiens qui résistent à leur avancée ; elles sont aussi environnementales, des milieux sont difficiles à pénétrer ou à contrôler. D’autres territoires restent éloignés des grandes voies de circulation. De sorte qu’au milieu du XIXe siècle, une grande partie des terres américaines demeure à l’écart de l’expansion européenne. Les années 1860-1880 marquent la fin du processus de conquête des terres amérindiennes, qui se prolonge néanmoins jusqu’au XXe siècle dans des espaces plus difficiles d’accès. Cet ouvrage analyse en quoi les régions de l’entre-deux restent dans la longue durée des espaces mouvants, des points de rencontre, où se font face l’autonomie indienne et le pouvoir colonial hispanique. Ces espaces ne sont pas une ligne radicale, mais une zone poreuse faite d’échanges, de négociations et de conflits. Le Cône sud constitue un observatoire privilégié permettant de travailler des régions qui transcendent les limites administratives des empires hispano-portugais, puis celles des États-nations. Le livre s’ouvre sur les systèmes classificatoires des altérités indiennes fabriqués par le monde colonial en fonction de son entreprise hégémonique. La deuxième partie se situe à l’époque républicaine, au XIXe siècle, qui scelle l’encerclement puis la défaite militaire des derniers groupes indiens souverains. L’ouvrage se clôt sur le cas singulier du Chaco qui connaît la poursuite, encore au XXe siècle, d’un état de choses rejoignant par bien des aspects le plus classique des colonialismes de l’époque impériale.