Le carlisme a déstabilisé l'Espagne sur près d'un siècle, de 1833 à 1939. Il incarne une réaction violente au libéralisme « étranger » et aux idées issues de la Révolution. Il est soutenu en France par des tenants du « vrai royalisme » ou légitimisme, les mêmes qui défendent l'autre « Vendée ibérique » des miguélistes du Portugal, commandée par un ancien chouan. L'échec des principales guerres carlistes sur le sol espagnol (1839-1840 et 1876) a entraîné l'exil de ses protagonistes de l'autre côté des Pyrénées. La France se trouve alors confrontée à une immigration politique la plus importante de son siècle. Sous la monarchie de Juillet, les autorités voient ainsi arriver de nombreux ennemis de leurs institutions. La crainte de dangereuses collusions entre les carlistas et les vendéens ou les chouans entraîne une interdiction de l'Ouest aux Espagnols, mesure unique dans l'histoire des migrations en France. Lors du dernier grand exil du siècle, en 1875-1876, d'autres difficultés attendent ces réfugiés. Quels sont les liens tissés entre ces « purs royalistes » des deux pays ? L'Ouest et le carlisme constituent-ils un danger pour la France libérale ? Qui sont ces « chouans d'Espagne » qui ont tant effrayé les autorités du bocage armoricain, de la Bretagne à ses derniers contreforts de la Vendée militaire ? Cette plongée dans le monde de la contre-révolution en Europe nous entraîne des premiers alzamientos carlistas de 1833 à la naissance des « Blancs d'Espagne » parmi les royalistes de France, à la suite de la mort du comte de Chambord en 1883. L'étude de cette lutte séculaire des deux Espagnes sur plus d'un demi-siècle, permet de mieux comprendre la genèse de la guerre civile de 1936-1939. Elle contribue, en dépit des différences observées, à cerner davantage les enjeux qui continuent à diviser la France du XIXe siècle.