ESB, fièvre aphteuse, grippes aviaire et porcine ? Ces dernières années, plusieurs épidémies – ou mieux plusieurs épizooties – ont frappé les animaux d'élevage. Pour beaucoup, les abattages de masse et les incinérations semblent scandaleux. À quelle logique obéissent les pouvoirs publics, et comment le législateur a-t-il pu en arriver là ? La réponse se trouve dans la douloureuse genèse de ces mesures, genèse dans laquelle une maladie a joué un rôle exclusif, la peste bovine. Cette contagion, pratiquement disparue aujourd'hui, fut LA maladie des bovins pendant des siècles. Elle est venue d'Asie à six reprises de 1712 à 1872 ravager le gros bétail d'Europe occidentale dont elle anéantissait chaque fois 80 à 90 %. Faut-il continuer à méconnaître les conséquences de telles hécatombes sur la vie des campagnes et sur l'approvisionnement des villes ? Les États, désemparés devant le fléau, durent prendre un parti. Face aux opinions publiques hostiles, aux difficultés financières, aux incertitudes du monde médical, leur attitude alla de la réglementation timorée aux plus brutales opérations de police menées par la troupe. Les modèles politiques eux-mêmes entrèrent en jeu. La France, supposée centralisatrice, et l'Angleterre, libérale, adoptèrent des attitudes inverses, tour à tour avantageuses et défavorables. À quels experts fallait-il se fier ? Aux médecins précurseurs partisans de la contagion dont ils déduisaient des précautions outrancières ? Ou aux tenants du dogme hippocratique, qui situaient l'origine du mal dans l'environnement et incitaient au pire laxisme ? Entre tentatives malheureuses et succès mitigés, les réglementations hésitèrent jusqu'à ce qu'on parvienne à un consensus scientifique. En évoquant le drame du monde rural confronté aux épizooties, François Vallat décrit la difficile élaboration de la police sanitaire animale, véritable naissance de la médecine vétérinaire moderne.