Si les films de Jia Zhangke ou Wang Bing sont aujourd'hui familiers des cinéphiles, l'apparition des documentaires indépendants dans la Chine du début des années 1990 avait de quoi surprendre. Pour la première fois émancipés des institutions de production et de distribution officielles, les réalisateurs indépendants ont effectué une rupture à la fois conceptuelle, esthétique et structurelle dans l'histoire du cinéma chinois. Cet ouvrage vise en premier lieu à replacer leurs films dans la continuité des œuvres et des théories qui les ont générés, afin de comprendre leur sens et leurs spécificités. Si les réalisateurs indépendants se servent de méthodes fondamentalement opposées à celles, didactiques et autoritaires, du documentaire officiel de propagande antérieur aux années 1980, ils assimilent dans le même temps les derniers développements de l'histoire mondiale de cette forme, et ceux des transformations du milieu artistique dont ils sont issus. De la cinéphilie de piratage aux festivals non officiels, les indépendants ont bâti en l'espace de deux décennies, non seulement un corpus de films conséquent, mais aussi des espaces et des modes de partage du cinéma qui réunissent à la fois des acteurs de l'art contemporain et de l'activisme. En examinant les pratiques de ces cinéastes, cet ouvrage révèle la diversité des styles au sein de ce mouvement qui promeut une esthétique fondée sur l'enregistrement de l'expérience subjective et la mise en scène de l'émotion.