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grande couv
Le peuple du rivage
Emmanuelle Charpentier
Editeur: Presses universitaires de Rennes
10,99 €

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Partir à la recherche des sociétés littorales, sur les côtes nord de la Bretagne, au XVIIIe siècle, suppose d’abandonner les représentations qui valorisent tant le littoral aujourd’hui : jusqu’au début du XIXe siècle, le « désir collectif du rivage » n’en est encore qu’à ses balbutiements. Dans une société où prédomine la terre, l’attractivité de la mer est loin d’être une évidence, même sur le littoral. Cet ouvrage est consacré à cette « maritimité première manière » et aux relations complexes qu’entretient le peuple du rivage avec la mer, la terre et l’estran. Dans cette perspective, se pose le problème de « l’appel du large » qui pousserait de manière irrésistible les Bretons à prendre la mer. Au-delà, cela engage à s’interroger sur les spécificités des sociétés littorales, du Mont-Saint-Michel jusqu’à Brest, qui se distingueraient des sociétés de l’intérieur, celles de l’Argoat, tournées vers la terre et ignorantes des choses de la mer. Au fil de l’étude se révèle la dimension que prennent les côtes nord de la Bretagne au XVIIIe siècle : espace approprié, vécu et exploité, à la charnière entre l’horizon maritime et l’horizon terrestre. Elles font figure d’enjeu au XVIIIe siècle tant il devient essentiel de préserver leurs ressources, de protéger leurs habitants des dangers véhiculés par la mer et de consolider les droits du littoral, niés dans les seigneuries agro-maritimes. Soit autant d’occasions pour le pouvoir royal d’affirmer son autorité dans un finisterre redécouvert à la fin du XVIIe siècle alors que se profile la « Seconde Guerre de Cent ans ». « Ceux qui fréquentent la mer », les marins des côtes nord de la Bretagne, sont devenus un rouage déterminant dans la lutte contre l’hégémonie maritime anglaise. Si tous sont soumis aux rythmes de l’océan, l’expérience de la mer diffère selon les trajectoires individuelles. Une fois débarqués, ils se fondent parmi les gens du littoral, à l’image de leurs femmes, ancrées à terre. Marins par intermittence et terriens dans l’âme, ils déploient, avec leur famille, des stratégies de (sur)vie pour faire face à l’absence, inhérente aux activités maritimes. Elles contribuent à brouiller les identités professionnelles et rendent perméable la séparation entre le monde des terriens et celui des marins. S’esquissent alors les contours de sociétés complexes et originales, ouvertes sur la terre et la mer selon de multiples déclinaisons, mais qui restent fondamentalement des sociétés de l’Ancien Régime.