Pour le lectorat français, la Révolution mexicaine se résume parfois aux personnages mythiques que furent Pancho Villa et Emiliano Zapata, immortalisés par les fresques de Diego Rivera et les peintures de Frida Kahlo. Si ces acteurs renvoient à une étape fondatrice de ce processus tumultueux, à son indéniable dimension agraire et populaire, force est de constater que leur aura a presque fini par obscurcir la compréhension générale d’une révolution aux élans nationalistes, socialistes et anticléricaux, contemporaine des guerres mondiales, des expériences bolchevique et fascistes, des Fronts populaires, de la guerre civile espagnole et de l’internationalisme de l’entre-deux-guerres. Le vaste processus de transformation politique et sociale que connut le Mexique entre les années 1910 et 1940 ne saurait en effet être intelligible à la seule lumière de ces icônes, mais bien dans le cadre d’une histoire plus vaste, attentive à la « conscience-monde » des élites révolutionnaires. Proche des gouvernements émanant de la Révolution, tout en cherchant continuellement à « aller au peuple », à éduquer l’ouvrier, le paysan et l’Indien, le mouvement étudiant apparaît comme l’un des acteurs les plus pertinents pour repenser et relire intégralement le processus révolutionnaire mexicain. Ni entièrement élitiste, ni réellement « subalterne », cet intellectuel collectif, tantôt contestataire du pouvoir en place, tantôt son héritier légitime, sut nourrir la Révolution mexicaine de références européennes et latino-américaines afin de mieux l’orienter, autant qu’il contribua à sa circulation dans l’espace atlantique, par le biais des relations internationales étudiantes. Ce livre propose donc une « histoire étudiante » de la Révolution mexicaine. Il analyse le surgissement du premier mouvement étudiant, organisé nationalement, que connut le Mexique contemporain. Il démontre que ses représentants firent de la « classe étudiante » un acteur légitime de la Révolution, apportant ses réponses, non seulement aux questions corporatives et éducatives, mais aussi aux problèmes sociaux, politiques et « raciaux » qu’affrontaient les dirigeants de la jeune nation. Il offre, au-delà, une réflexion sur la genèse des mouvements étudiants en Amérique latine et sur les formes du politique dans le Mexique contemporain.