Les régions de montagne ont souvent été perçues comme des terres pauvres, peuplées de gens arriérés, en marge en quelque sorte de la « grande » histoire ; plutôt un terrain d’étude pour les anthropologues, à la recherche de structures primitives, que pour les historien·nes. En utilisant des approches et des outils originaux, cet ouvrage en propose une image très différente. Au centre de cette recherche, les vallées latérales du Valais participent en effet aux grands mouvements qui agitent l’Europe du XVIIIe et XIXe siècles, et parfois même les anticipent. On est certes loin des salons parisiens, des parlements et des universités prestigieuses, mais les grandes questions religieuses, politiques et culturelles – rôle de l’Église, éducation, libertés, droits individuels et collectifs... – passionnent et divisent les communautés locales. Cela ne devient visible qu’au travers de l’analyse de nombreux conflits locaux qui engendrent l’émergence de factions et de partis politiques, révélant d’étonnantes continuités de la fin du XVIIe au début du XXe siècle. Les fronts sont influencés par l’opposition de groupes parentaux, mais les factions – et cela est fondamental – se structurent également autour d’idées et de valeurs partagées, qui façonnent les identités, les solidarités et les réseaux sociaux. Cette perspective, qui s’intéresse plus aux comportements sociaux qu’aux discours officiels, fait émerger des acteurs qui ont souvent échappé à l’histoire politique classique : les paysans et éleveurs, les travailleurs des couches populaires et parmi eux les femmes. Elle révèle enfin un aspect insoupçonné : dans les luttes pour le pouvoir et pour des valeurs sociales et culturelles, les attitudes et les comportements sexuels jouent un rôle central et jusqu’à présent négligé.