Pendant un peu plus de dix ans, de la fin de la Première Guerre mondiale à l’arrivée du film sonore, le cinéma français s’est passionné pour le motif de l’eau, qu’il a saisi et mis en scène sous toutes formes, et dans tous ses états. Des trublions de l’avant-garde aux promoteurs d’un cinéma populaire, de la fiction au documentaire, du court au long métrage, des réalisateurs aux critiques, presque tous ceux qu’intéressait le dernier né des arts ont vu dans les formes infinies de l’eau, dans la diversité de ses manifestations, un puissant vecteur d’imaginaire, apte à susciter des représentations nouvelles, des drames inédits, des réflexions audacieuses sur le dispositif cinématographique lui-même. Cette vision d’un accord presque parfait entre le cinéma et l’élément aquatique, relayée jusqu’à nous par des commentateurs parfois peu soucieux d’en faire véritablement la critique, a transformé ce syntagme, « les images de l’eau dans le cinéma français des années 20 », en un cliché que généralement on évite de convoquer ou, pire, que l’on reconduit tel quel sans autre forme de procès. L’ambition de ce livre, et l’hypothèse de laquelle il se soutient, est précisément de prendre ce cliché au pied de la lettre, en le mettant à l’épreuve des images – parfois célèbres, parfois complètement oubliées – qui le constituent. Cheminant entre les films et les discours qu’ils suscitent tout au long des années 20, on se proposera ainsi d’éclairer les raisons historiques de cet engouement pour les images de l’eau, d’inventorier les paysages qu’elles génèrent. Et de montrer surtout comment les cinéastes en ont incessamment mobilisé les ressources plastiques afin de démontrer, mais plus encore de penser, pour eux-mêmes, les puissances du cinéma comme art visuel.