L’Amazonie revient par vagues dans les médias occidentaux, tandis que son devenir – écologique, économique, politique – se fait plus incertain. Cet ouvrage se penche sur une de ses bordures occidentales, marquée par un mouvement socio-environnemental survenu en 2009. Celui-ci s’est conclu dramatiquement, et a démarré en raison de la remise en cause par le gouvernement du droit de propriété foncière collective des groupes autochtones. Si on a parfois conclu à l’obstruction principielle des indigènes à la marche du progrès, une perspective historienne invite plutôt à revenir sur la relation complexe, nouée par ces mêmes indigènes avec l’État et les dynamiques transnationales qui affectent leurs territoires. C’est le choix fait par cet ouvrage, qui examine un demi-siècle d’histoire dans le Haut Marañón, lieu de vie des Awajún, des Wampís, de populations métisses et d’étrangers, qui donnent à lire un « local » traversé de logiques globalisées. Missionnaires chrétiens, soldats chargés de faire frontière, indigènes allant à la ville et en revenant, colons en quête de subsistances, anthropologues à la recherche d’un autre modèle éducatif, activistes en quête d’une autre construction nationale, ingénieurs, médecins : ces acteurs se croisent, parfois sans se parler, et participent du dialogue difficilement établi avec la selva, cette Amazonie tour à tour fantasmée et crainte, qui n’en a pas moins toute sa place dans l’histoire péruvienne, et dans le débat mondial sur la notion et les modèles de développement.