Henriette Edme est née en 1719, au temps de « l'aimable Régence » (Voltaire). Elle est l'aînée d'une famille de bourgeois gentilshommes installée dans le modeste château des Rouaudières, à Cormenon, dans le Perche Vendômois, ou Bas-Vendômois, zone de contact entre Maine, Beauce et Orléanais. Celle qui devient Mme de Marans après un mariage tardif, vit noblement et passe son temps libre à lire, réfléchir et écrire en son for privé. Ses écrits personnels, conservés par sa famille, montrent sa grande culture ainsi que son ambition « d'en apprendre davantage », à l'encontre des discours du temps sur les savoirs des femmes, à l'encontre des idées reçues sur les savoirs des châtelaines. Cette étude se propose de montrer comment Henriette de Marans façonne son image de femme cultivée : elle est l'actrice de la construction de son identité. Néanmoins, ce portrait remarquable n'est pas celui d'une héroïne exceptionnelle. Henriette de Marans vit comme ses semblables de la petite et moyenne noblesse provinciale, elle n'est ni brimée ni particulièrement encouragée, elle véhicule les lieux communs lus et entendus, elle ne revendique pas, elle ne s'intéresse qu'à son propre cas. La châtelaine incarne un modèle de femme cultivée au siècle des Lumières, une femme qui sait et en fait un tremplin pour exister.