À la suite des dernières volontés du roi Attale III, le royaume de Pergame fut légué au peuple romain en 133 avant J.-C. : un tel événement constitua un choc considérable pour les notables de la célèbre cité, laquelle bénéficiait cependant du statut de civitas libera. Dès lors, ceux qu’on désignait comme les aristoi andres, c’est-à-dire les hommes les plus aptes à prendre les rênes de la vie politique pergaménienne, formèrent une force de substitution à la monarchie. Ces personnages influents, riches et reconnus par leurs concitoyens, consolidèrent leur domination en endossant des magistratures, des liturgies et en se montrant évergètes. Si Pergame fut marquée à l’époque républicaine par de nombreux troubles, le Haut-Empire proposa de nouvelles perspectives politiques à ces notables. Intégrés à l’empire, les plus brillants d’entre eux formèrent alors une éclatante élite et devinrent des partenaires parfois privilégiés des empereurs sur le plan politique. Selon l’historien allemand Helmut Halfmann, les notables de Pergame auraient été des personnages particulièrement conservateurs, qui auraient maintenu dans la cité des traditions héritées directement de l’époque attalide, et rétifs à l’implantation de traditions ou de valeurs nouvelles, essentiellement celles de Rome. Un certain nombre d’arguments viennent nuancer cette grille de lecture. Certes, seule la plus haute strate de la société apparaît dans les sources épigraphiques, ce qui indique que la vie politique était en quelque sorte cadenassée par les élites les plus riches, d’un niveau social exceptionnel, d’autant plus que les titres honorifiques, particulièrement rares dans la cité, étaient également monopolisés par ces notables. Pour autant, ces personnages brillants étaient-ils plus conservateurs qu’ailleurs ? Il semble plutôt qu’il s’agissait de notables capables de s’adapter consciemment au nouvel ordre romain, à travers la mise en place et le développement du culte impérial voire la modification de certains sanctuaires traditionnels au profit du culte de l’empereur, par exemple l’Asklépieion. De même, la position « monarchique » de certains d’entre eux doit être nuancée, et le maintien de cultes hérités de l’époque attalide ne saurait témoigner d’un conservatisme forcené, puisque c’est un phénomène que l’on retrouve dans bon nombre d’autres cités.