Durant l’entre-deux-guerres, au sein de la chronique locale de la presse quotidienne régionale, pas un seul jour ne se passait sans que le journaliste n’informe son lecteur de la grave menace dont il était à chaque instant la cible : chapardage, filouterie, entôlage, cambriolage, agression, meurtre ! La chronique des faits divers restait le témoignage concret d’un danger permanent, d’une catastrophe quotidienne : le larcin. Illustration pessimiste de la fragilité de la vie ordinaire, l’article de vol demeurait toutefois dans le même temps une arme utile pour contrer ce funeste péril ; il restait en effet un lieu de savoir essentiel, décryptant autant la technologie déprédatrice que le profil retenu de son auteur, apportant à chacun des connaissances précieuses pour se prémunir des ravages du larron. Le caractère pédagogique de l’article sur le vol apparaît du reste d’autant plus crucial, que son but n’était pas seulement limité à assurer la veille de ses biens par le citoyen lecteur : en captant son attention grâce au sentiment humain le plus mobilisateur (la peur), le fait divers se dévoile également comme l’occasion d’un cours sur l’État, invitant chacun à honorer les institutions qui le protègent, voire d’une véritable leçon de vie, destinée à contrôler tout geste, émotion ou passion populaire. En s’intéressant à la publicité d’un comportement humain vil, illégal, déviant, ce n’est pas seulement l’image d’un monde criminel disparu qui resurgit, c’est en définitive, et paradoxalement, les coutumes, les normes, les lois qui régissaient le bon fonctionnement d’une société encore méconnue, qui parviennent jusqu’à nous.