Victorien Sardou (1831-1908) fut probablement l’un des plus grands dramaturges français, par l’importance, la diversité et le rayonnement international de ses œuvres. Pourtant, les pièces de cet auteur éblouissant, qui avait été un infatigable homme de théâtre et l’ami des plus grands comédiens de son temps, notamment Sarah Bernhardt, ont disparu de la scène après le choc du second conflit mondial. Ses comédies de mœurs et ses vaudevilles électriques semblaient d’une autre époque, tout comme ses drames historiques, dont l’esprit ne paraissait plus en phase avec le nouveau langage dramatique, plus inquiet et dépouillé. Que restait-il alors de cette œuvre naguère si prisée ? Une adaptation pour l’opéra (Tosca) et un succès populaire (Madame Sans-Gêne). Un soupçon écrasant s’est alors abattu sur l’ancien prince du théâtre. Personnalité hors du commun, véritablement spectaculaire, tout à la fois auteur dramatique, metteur en scène et figure médiatique usant avec talent des images et de l’émotivité de ses contemporains, cet adepte du spiritisme fut aussi un collectionneur et un ardent polémiste. Comment s’étonner dès lors qu’il soit devenu un personnage, une créature en grande partie imaginaire ? Après sa mort en 1908, l’œuvre de Sardou a poursuivi sa route sur d’autres scènes et à travers d’autres arts. L’imagination du dramaturge avait inventé des figures, des histoires, des drames qui continuaient de hanter le théâtre et qui se montraient une magnifique source d’inspiration pour de nouveaux créateurs, librettistes, musiciens et cinéastes. Ce livre, conçu à l’occasion du centenaire de sa disparition, prétend redessiner les contours d’un royaume spectaculaire évanoui.