De la forme cinématographique, ordonnatrice d’univers, d’histoires et de décors, jusqu’aux corps des personnages, constructions de chair, d’imaginaire, de social et de celluloïd, le cinéma japonais contemporain se saisit toujours d’une manière ou d’une autre d’une problématique identité japonaise moderne, mais dit aussi le besoin impérieux de la penser par le biais de l’art. Car cet élément contextuel ne s’est pas incarné dans la matière filmique en n’y trouvant qu’une écorce passive. Altérations de la transparence du langage cinématographique, interrogations de la temporalité, fascination inquiète de l’altérité et de la dépossession de soi, figures du double et de l’amnésique, images du corps au prisme du butô : au cœur du cinéma japonais d’aujourd’hui, le questionnement des cadres esthétiques ne se déprend jamais d’une réflexion sur l’incertitude des cadres sociaux et identitaires. L’élan qui porte les cinéastes vers le cinéma semble toujours relancer, au Japon, cette question anxieuse de Kiyoshi Kurosawa : « Mon point de départ, c’est toujours moi-même, être humain habitant à Tôkyô. Mais ce “moi”, qu’est-ce que c’est précisément ? De quoi est faite mon identité ? » Cette interrogation, fil conducteur tissé d’angoisses et d’espoirs, sera aussi un fil d’Ariane guidant l’exploration d’un vaste territoire cinématographique : le cinéma japonais de 1989 à aujourd’hui. À travers l’étude de plus d’une centaine d’œuvres, parmi lesquelles des films de Takeshi Kitano, Takashi Miike, Rokurô Mochizuki, Hirokazu Kore-eda, Masato Harada, Toshiaki Toyoda, Shinji Aoyama, Ryûichi Hiroki, Nobuhiro Suwa, c’est une possible cartographie du cinéma japonais actuel et de ses enjeux qui se dessine ici.