Stephen Crane : un écrivain inclassable, que la critique américaine s’ingénie depuis un siècle à vouloir classer. La présente contribution collective montre l’inanité de la tâche, en faisant apparaître la richesse et la complexité de son œuvre. Il faut pour cela accepter de réexaminer les notions mêmes de réalisme et de naturalisme, et rétablir les phénomènes d’écho qui les associent. La dimension militante et programmatique du naturalisme, naguère privilégiée par la critique, est trompeuse, et il importe de percer cette surface pour faire apparaître des profondeurs beaucoup plus ambiguës. Paradoxe naturaliste, une des nombreuses modernités de Crane est cette révolution copernicienne qui fait du regard ou de l’ouïe le siège de la (mé)connaissance, et qui s’attache non plus à l’objet de la perception, mais à un sujet soumis à des stimuli contradictoires. Les perceptions hallucinées de certains personnages amènent à s’interroger sur ce qui rapproche Crane de Hawthorne, remettant ainsi en question l’opposition traditionnelle entre « réalisme » à celle de la Renaissance américaine. Il faut relire Stephen Crane. C’est ce à quoi nous engagent les auteurs de ce livre.