L’écrivain commence par écrire un nom, le sien. Ce qu’il est, et il n’est, a priori, que cela, c’est ce nom. L’écrivain tient tout entier dans ce nom qu’il doit signer, mais encore, du fait de la particularité de son occupation, justifier parfois dans l’ouvrage même qu’il conçoit. Aussi le romancier se raconte-t-il moins qu’il ne raconte un nom et l’identité que l’œuvre lui procure en retour comme si le nom ne devenait véritablement propre qu’au contact de cette dernière. Or, ce nom peut aussi être son pire cauchemar. Mal nommé, l’écrivain l’est par défaut tant le désir du nom rencontre dans le nom autre chose que le nom. Son ombre portée, pour ainsi dire. Sa part d’ombre, qui est sa part maudite. Cette part maudite, c’est l’insulte. Voilà ce qui nous intéressera ici : de quelle manière, au nom de l’écriture, une œuvre peut se retourner contre le nom qui l’a conçue et qui en est le point d’origine, mais qui, parce qu’il en est aussi la cause dernière, va dépenser une énergie considérable à digérer ce corps étranger avec d’autant plus d’éloquence qu’il dit ce que l’œuvre n’aurait peut-être jamais dit sans lui.