Dans les premières pages de Là-bas, Joris-Karl Huysmans appelle de ses vœux une esthétique romanesque nouvelle qu’il nomme le naturalisme spiritualiste. La tradition critique associe celui-ci à la conversion religieuse du romancier, mais elle s’est plus rarement interrogée sur sa conversion poétique, qui s’effectue dans et par l’écriture. Les configurations narratives, descriptives et stylistiques qui en découlent témoignent de changements formels, afin que s’épousent matière et spiritualité. Cette difficile incorporation prend trois formes. L’incarnation de l’esprit travaille la surface sensible en la décomposant ou en la doublant d’une épaisseur nouvelle afin de construire une narration en deux strates. La transsubstantiation, quant à elle, altère les paysages, les personnages ou les objets représentés, absorbant en eux l’érotisme comme le sacré. La transmutation, enfin, par l’art culinaire ou l’alchimie, convertit les matériaux disparates en une substance unique. Clef de voûte d’En rade, Là-bas et En route, le naturalisme spiritualiste concentre ses effets au cœur de cette trilogie de la conversion esthétique.