Déjà traducteur de Térence, poète d’Adonis et du Songe de Vaux, conteur de quelques narrations au tour enjoué, La Fontaine adresse en 1663 six lettres en prose mêlée de vers à son épouse (et probablement au cercle étroit de leurs amis). Il y rend compte avec un air de badinerie amusée du seul voyage accompli durant une existence habituellement tendue entre la cité castelthéodoricienne et la capitale parisienne : le poète accompagne en Limousin son oncle par alliance, Jacques Jannart, substitut du surintendant Fouquet (disgracié deux ans plus tôt), exilé à Limoges. Cet itinéraire dans la France de Louis XII, François Ier et Louis XIII est l’occasion d’apprécier les lignes des paysages également façonnés par l’homme et la nature et d’admirer les œuvres d’art de la France médiévale, renaissante et classique : la grâce du Val de Loire des Valois et la symétrie de la cité et du château de Richelieu offrent à ses yeux deux manières d’organiser le royaume et de considérer les arts. Cette correspondance en forme de « galanterie » constitue le lieu d’élaboration d’une réflexion politique et esthétique en cours de gestation et forme le laboratoire d’invention des Contes et des Fables à venir.