Que peuvent les artistes et les poètes contre des pratiques politiques autocratiques, totalitaires, dangereuses, ou tout simplement aliénantes ? L'art est-il un contre-pouvoir crédible pour lutter contre des dérives sociales et économiques ? C'est à ces questions que le présent livre tente de répondre en montrant qu'au moins depuis le début du XXe siècle, les arts ont permis de rompre avec une vision réductrice de la réalité. Les avant-gardes du siècle dernier jouent ici un rôle essentiel, en particulier Dada, dans son expression originale du chaos du monde moderne, mais aussi le surréalisme et ses héritiers : ils ont révélé le pouvoir créateur de la folie et des états psychiques alternatifs. Ces avant-gardes explorèrent en outre avec obstination des formes et pratiques expérimentales de l’écriture poétique pour mieux déjouer les pièges d’une expression linéaire classique. Elles inventèrent en ce sens une politique radicale du langage, saisi à la fois dans son intensité lyrique et dans sa puissance ludique. À l’heure de la mondialisation et de la représentation prioritairement virtuelle et spectaculaire de la vie, revisiter leur démarche permet d'inventer une philosophie nouvelle du regard, qui tienne compte à la fois de ses dimensions critique et spéculative.