Fruit d’une longue maturation, Le Neveu de Rameau, qui a pour véritable titre Satire seconde, est une méditation tonitruante sur l’art et la morale. En choisissant de placer un musicien sans le sou (le Neveu de Rameau) au centre de son dialogue, Diderot semble avoir voulu réunir dans une même figure la sensibilité artistique et l’abjection consentie. De plus, le talent de pantomime qu’il prête à son personnage autorise un glissement du sens propre au sens figuré, car les corps expriment aussi les rapports sociaux : de l’indigent au roi, en passant par les petits abbés, les financiers et les courtisanes, chacun danse « la pantomime des gueux ». C’est justement parce que les corps expriment la condition des individus que le théâtre et la musique, définis comme des imitations, doivent privilégier la gestuelle et les accents. Tout est lié aux yeux du philosophe. Si la musique et l’art de la pantomime sont omniprésents dans ce texte, cela n’est pas sans rapport avec les importantes mutations que connaissent les arts de la scène dans la seconde partie du XVIIIe siècle. Le dialogue de Diderot y fait écho de diverses manières. Pour apprécier toute la richesse de cette œuvre, il faut donc se tourner vers l’histoire totale des pratiques scéniques, celles des comédiens, des chanteurs et des danseurs.