De la rencontre new-yorkaise entre Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss (années 1940) marquant le début de l’aventure structurale jusqu’aux derniers travaux des postmodernes nord-américains (années 1990) en passant par le Nouveau Roman, le textualisme de Philippe Sollers et l’œuvre de Roland Barthes, la culture occidentale fut soumise à ce qu’il faut bien nommer le diktat de l’antiréférence. L’idée que l’art n’avait rien en commun avec la vie, que la littérature ne parlait que de la littérature, que l’humanisme européen avait vécu et que le réel était une chimère, en tout cas, un concept discutable, cette violente contestation de tous les principes sur lesquels avait reposé jusqu’alors la civilisation du Vieux Continent conduisit in fine à l’affaissement – sinon à la disparition – de l’idéal de la connaissance objective et de la vérité. L’histoire de l’antiréférence, c’est l’histoire de cette mort annoncée. Du rôle que l’art de l’avant-garde et le rêve de la révolution prolétarienne y jouèrent. Du curieux mélange de science et de poésie qui fut son moteur et qui, à la place du vrai et du concret, installa l’opinion et l’indéterminé. L’histoire de l’antiréférence c’est aussi, d’une certaine manière, celle de la haine de soi qui nous a menés là où nous en sommes aujourd’hui.