L’Histoire influe-t-elle sur les choix et le travail des traducteurs littéraires ? C’est cette étonnante question qu’examine le présent livre, qui porte sur la période de divisions politiques extrêmes 1937-1982 et s’intéresse notamment aux productions d’Aragon, Landolfi et Nabokov, tous trois à la fois romanciers et traducteurs de Pouchkine. L’auteur y défend l’existence de liens étroits entre la traduction, le contexte dans lequel elle est entreprise et l’écriture du traducteur. La traduction est ici considérée comme un geste qui, face à l’abîme qui parfois sépare les oeuvres d’origine de leurs versions traduites, ne cherche pas uniquement à réduire des incomparables. La volonté de retrouver un sujet, porteur d’une singularité et d’une précision dans la langue, et la prise en compte des ségrégations et des massacres de masses, conduisent les écrivains cités à valoriser le littéralisme en traduction. Revendiquant l’héritage de Pouchkine, la traduction permet paradoxalement à chacun d’eux d’élaborer sa propre voix poétique.