Le christianisme a produit une profusion extraordinaire d’images et de textes, à partir d’une rupture d’avec l’Antiquité gréco-romaine, rupture qui promulgue des idées radicalement neuves sur les représentations, le corps, les langues, les sociétés, la définition même de l’homme et de la femme. Mais la religion chrétienne s’est aussi construite dans un dialogue souvent mortifère avec les hérésies, sans lesquelles, littéralement, ses dogmes n’existeraient pas. Seule l’intervention du pouvoir temporel, avec les empereurs romains Constantin en 313 et de Théodose 1er en 380, permet au christianisme d’imposer son unité et son universalité contre la diversité plurielle des hérésies. Celles-ci, proscrites et pourchassées, se réfugient au Moyen Âge dans l’art d’écrire?; elles se prolongent ensuite dans notre modernité : les troubadours inventent une nouvelle féminité, les romans arthuriens créent une forêt foisonnante d’imaginaires, le Roman de la Rose expose l’impiété de la littérature?; ainsi Catherine Millet fait écho aux Carpocratiens du iie siècle, Faulkner écrit des apocryphes, Proust achève la transsubstantiation de la foi dans le sacre de la littérature. Ce livre est dédié aux joyeuses beautés, tellement libres, produites par l’entrelacement du dogme et de l’impiété, dans un corpus textuel qui traverse deux millénaires et demi.