Ce cahier entend reprendre la réflexion sur un auteur dont on réduit à tort l’œuvre au «?schème national?». Michelet, en tant qu’écrivain, se joue des frontières entre les formes et les types d’écriture. Mais sa pensée historique et politique est, elle aussi, labile, construisant et déconstruisant le modèle de la nation, lorsqu’elle s’élargit à l’échelle de l’Europe et du monde ou qu’elle prend en compte le local, le périphérique et l’excentrique. Ancrée dans une épistémè romantique qui dépasse largement les bornes de la France, nourrie de la lecture des savants et des théoriciens de toute l’Europe, aspirant à la fraternité des peuples, actualisant celle-ci par un très large réseau de relations internationales, l’œuvre de Michelet est constamment animée d’un double mouvement : identification de frontières, de seuils, de délimitations – en fonction de quoi se marquent le devenir et le travail du sens –, mais aussi franchissement de ces frontières, remise en cause des seuils, transgression des limites – en fonction de quoi l’interprétation chemine sans jamais se figer dans l’idéologie ou la doctrine. C’est à partir de l’examen de ce débordement des frontières, tant épistémologiques que géographiques ou littéraires, que les textes ici réunis explorent les écrits d’un penseur qui joua un rôle majeur dans la constitution des sciences humaines actuelles.