Issu d’un long et minutieux travail de terrain (2006-2013) auprès de familles roms originaires de Roumanie et installées à Montreuil, en région parisienne, ce livre décrit la vie quotidienne et les parcours de personnes vivant dans deux pays à la fois. Pour elles, la migration s’est imposée comme le meilleur moyen de concrétiser des aspirations individuelles et familiales. Il faut alors vivre ensemble malgré la distance, s’approprier deux espaces de vie, concevoir et construire peu à peu sa maison en deux endroits. Ces maisonnées roms, devenues transnationales, ont développé ce que l’auteure a appelé un double ancrage. Dans un contexte national de forte polarisation autour de politiques publiques répressives ou inclusives, cette recherche prend à rebours les approches attendues, privilégiant les échelles individuelles et familiales pour donner à voir un processus migratoire de première génération en train de s’inventer. Examinant par le menu les usages et détournements symboliques des biens matériels, tant au cours des migrations en France qu’au retour en Roumanie, l’auteure observe que les acteurs sociaux sont pris dans une économie de prestige, dans laquelle les dons en direction de ceux restés au pays prennent une place prépondérante. Dans leur recherche du prestige individuel et familial à travers les signes d’une réussite matérielle, la maison, reprise ou construite en Roumanie, fait office d’emblème. Cette maison, observe finement Norah Benarrosh, semble devoir vivre dans un état de perpétuel inachèvement, afin de signifier que le projet de vie de ses propriétaires est toujours en devenir.