Parmi les grands romantiques, Vigny occupe une place à part. Souvent cité pour sa philosophie stoïque grâce à La Mort du loup, restée dans la mémoire collective, il est peu joué par rapport à Hugo et Musset, ses frères d’armes dramatiques, et ses œuvres en prose sont méconnues, alors qu’il est l’un des premiers à avoir participé, avec Balzac, à la vogue du roman historique. Injustement qualifié de poète «?dans sa tour d’ivoire?» par Sainte-Beuve, il a entretenu une relation incessante et attentive avec ses contemporains et l’actualité de son temps, ce dont l’édition de sa Correspondance, enrichie de fonds longtemps inaccessibles, vient témoigner. Il a également subi la vindicte du critique Henri Guillemin qui, tout en publiant certains manuscrits, en a donné une image négative d’homme d’ordre au service de Napoléon III. C’était là surtout vouloir l’opposer à Hugo et Lamartine, ses compagnons de jeunesse, dont il continua de partager les interrogations métaphysiques et sociales. Vigny, homme de pensée et poète rétablit les faits, à la lumière des travaux les plus récents sur sa pensée et son rôle dans le mouvement romantique, synthétisant les facettes de sa personnalité — l’épistolier, l’homme du monde, l’homme de lettres, l’homme engagé, le philosophe — et de sa pratique de l’écriture — l’étudiant perpétuel, le dramaturge, le romancier, le mémorialiste, le poète.