Dans le paysage des études littéraires d’après-guerre, au moment où s’amorçait le mouvement de la « nouvelle critique », les premiers livres de Jean-Pierre Richard marquaient assurément un ton dont on ne connaissait guère d’autre exemple : une manière de se lancer à l’abordage des textes dans une allègre témérité, armé en apparence du plus léger équipement possible, à seule fin d’en éprouver d’abord, presque physiquement, la fringance et d’en revivre le bonheur. Un demi-siècle plus tard, tandis que retombait la ferveur des grandes initiatives critiques, que les anciennes pratiques reparaissaient sous des habits nouveaux, la ferveur entêtée de Jean-Pierre Richard se tournait vers de nouveaux objets, moins canoniques que par le passé, plus « buissonniers ». Choisir de lire des contemporains, parfois fort jeunes, c’était dire que la critique a « valeur de reconnaissance », selon le mot de L’État des choses. Les douze études rassemblées ici tentent à leur tour de lire cette grande œuvre de lecture ; de l’aborder à la manière des paysages auxquels Jean-Pierre Richard se montre si constamment sensible, dans une langue elle-même vouée à dessiner ses propres horizons. Car ce n’est pas le moindre sujet d’étonnement qu’elle nous offre : constamment au service des écrivains, elle a fini par dresser la figure d’un critique et d’un écrivain très singulier, reconnaissable dans son temps.