Dans l’univers protéiforme de l’œuvre d’Yves Bonnefoy, le dialogue poétique avec Shakespeare joue un rôle essentiel. C’est un échange continu, ponctué d’une riche activité traduisante, que Bonnefoy conçoit comme un acte de poésie à part entière, une quête du vrai qui demande de s’ouvrir à la vérité de l’Autre et qui est en même temps l’occasion de féconder le texte traduit. Créateur de "son" Shakespeare, Bonnefoy en est aussi le disciple, car c’est au contact de la pensée poétique et philosophique du grand auteur élisabéthain que mûrit son art poétique. Ainsi, parler de l’expérience traduisante du poète français signifie parler de la destinée de deux œuvres, du rapport entre le Propre et l’Étranger, de la voix du Je s’accordant avec celle de l’Autre pour « cherche[r] ensemble, en avant, dans une présence du monde qui se ranime ».