La laideur dans les arts pose des questions complexes aux théoriciens des xviie et xviiie siècles, souvent adeptes du principe aristotélicien qui en prône le rachat par la mimésis. Les romanciers y consacrent une moindre attention. Faisant l’objet de descriptions conventionnelles, la laideur du corps est souvent associée à la laideur morale, dont elle constitue le corollaire physique. Cependant, il existe des enclaves narratives qui témoignent d’une utilisation originale et désinhibée de la laideur – ce que cet essai se propose d’illustrer par des exemples tirés du roman libertin. En subvertissant les valeurs consacrées, en persiflant les nobles, les courtisanes et les moines, en mettant à l’épreuve le désir même du lecteur, la laideur saisie au cœur de l’éros forge une clé de lecture ultérieure pour comprendre la marche de la raison au siècle des Lumières.