L’Incarnation fascine la France et toute l’Europe de la première moitié du XVIIe siècle. Mystère du Verbe fait chair, de l’union du divin avec l’humain et de la venue de Dieu sur terre – selon la triple définition des théologiens de l’époque – mais aussi, plus simplement, récit rapporté par les évangiles de Matthieu et de Luc, elle se présente tout à la fois comme un sujet de réflexion théologique et de méditation morale, une vérité défendue contre les hérésies et une source de spiritualités nouvelles. Plus singulièrement, elle habite le roman comique qui se constitue comme genre, de la Première journée (1623) de Théophile de Viau et l’Histoire comique de Francion (1623) de Charles Sorel au Roman comique (1652/1657) de Paul Scarron et jusqu’aux États et empires de la Lune (1657) et du Soleil (1662) de Cyrano de Bergerac. Mise en roman, l’Incarnation y devient un para-dogme, c’est-à-dire un paradoxe au sens étymologique : non pas qu’elle s’oppose au dogme, mais bien plus qu’elle se place à côté, à distance, dans un espace différent, institutionnellement moins marqué, plus libre d’en exploiter le potentiel. Centrée sur une période particulièrement riche pour l’histoire du roman, de la théologie et des interactions entre l’un et l’autre, cette thèse propose au lecteur de suivre ce déplacement paradogmatique.