Rhétorique et poétique entretiennent à la Renaissance un dialogue fructueux et tendu, qu’?éclaire dans cet essai l’examen comparatif et rarement pratiqué de deux poètes traditionnellement opposés. Clément Marot et Joachim Du Bellay font ici l’?objet d’un parallèle qui ne raisonne pas en termes d’influence du premier sur le second, les deux projets poétiques restant très contrastés.
De part et d’?autre du prétendu fossé de 1550, Marot et Du Bellay choisirent chacun à leur manière de ressusciter et de reconvertir le style simple (ou bas) de la tradition rhétorique, le genus humile ou subtile. Comment, pourquoi oser ainsi revendiquer le moins lyrique et le plus prosaïque des genres de discours ? Si humanisme, évangélisme et gallicanisme sous-tendent en partie cette appropriation historicisée d’un style, un discours moral non moralisateur (paix, amitié, prudence, modération) s’y allie plus profondément à un fort degré de projection personnelle.
Cette dimension éthique omniprésente se confronte aux contradictions intrinsèques à la notion même de style simple, renforcées au contact de la haute idée de la poésie qui caractérise la Renaissance française. L’?idée de « poéthique » s’?étoffera au fil de l’essai, pour substituer aux labels strictement rhétoriques la notion de style éthique ou « style de l’ethos ».