À Moscou, j’ai vu l’or qui recouvre les bulbes de la cathédrale Saint-Sauveur, j’ai vu aussi la cohabitation peu fraternelle entre les vieilles Jigouli et les berlines allemandes les plus récentes. J’ai vu comment la police vous arrêtait sans raison autre que celle d’empocher quelques roubles. Je garde l’image d’un ivrogne slalomant à deux heures du matin au milieu des voitures lancées à pleine vitesse sur une avenue plus large que les Champs-Élysées, et je me souviens d’un autre qui, couché en travers de la porte principale de l’aéroport d’Irkoutsk, était enjambé par une foule indifférente. J’ai connu la canicule à Moscou et le froid sibérien ; j’ai mangé de l’omoul fumé et bu de la vodka à dix heures du matin ; j’ai survécu à une traversée de l’Angara à bord du Titanic, un bac moins confortable mais plus sûr que son glorieux homonyme ; j’ai rencontré Victoria qui est devenue ma femme et aujourd’hui j’ai un fils qui parle russe. Tout cela je le dois plus ou moins directement à Modest Moussorgski pour son Boris Godounov et à Sergueï M. Eisenstein pour son Ivan le Terrible. Qu’est-ce que ce film m’a appris du cinéma et que peut-il apprendre à tous ceux qui, ne le connaissant pas encore, le verront peut-être un jour ? Ma réponse est simple : le cinéma.