Nulle part plus qu'en psychologie n'apparaissent avec évidence, d'une part, la réalité et l'importance du rapport d'opposition, d'autre part, sa subordination à celui de variation et d'originalité. Nous allons voir s'y déployer toutes les formes d'oppositions, qualitatives et quantitatives.
Nous nous occuperons, par exemple, des sentiments où prédominent les oppositions du désir. Ce sont les premiers qui apparaissent chez l'enfant. La peur et son opposé la colère, qui se manifestent dès le début de la vie, d'après tous les observateurs de la psychologie infantile, ne manquent à aucun degré de l'échelle animale. Que la peur s'oppose à la colère, cela devient évident sur les champs de bataille où la panique des fuyards et la furia, la colère héroïque, des troupes qui chargent, produisent des résultats si nettement opposés... Entre ces deux extrêmes, le sang-froid est l'état zéro. On ne peut passer de la peur à la colère ou de la colère à la peur sans traverser ce point d'indifférence, mais quelquefois si vite, qu'on ne peut s'en apercevoir. Il y a d'ailleurs plusieurs espèces de colère. La colère courageuse qui s'oppose à la peur ne doit pas être confondue avec la colère-indignation qui s'oppose à la stupeur de l'admiration morale. Il y a aussi plusieurs espèces de peur : la peur de l'enfant qui s'effraie d'une nouveauté est plutôt un accès de méfiance et s'oppose, comme telle, à la confiance, non à la colère. Cette peur-méfiance est un sentiment-croyance; la peur-alarme est un sentiment-désir.