Il est une image convenue concernant Flaubert, celle du reclus peu enclin aux bavardages inutiles, homme de peu d’effet de bruit, toujours soucieux du mot juste, asséné au moment opportun. Homme-ermite, noyé sous le travail, concédant tout aux formes et à la discipline de son art, bon ami et amoureux de la vie tout autant, il lui arriva très rarement de daigner descendre dans l’arène publique pour défendre un parti ou une école. Et pourtant c’est ce à quoi il cède, par nécessité ou réflexe, c’est selon, en ces premiers mois de 1863. Salammbô a paru fin novembre de l’année dernière et voilà qu’arrive bientôt, charriés au vent des critiques enthousiastes ou autres articles passionnés, la cohorte des points de vue bien plus critiques, voire franchement destructeurs. Sainte-Beuve, premier d’entre eux, n’a pas spécialement aimé Salammbô et il s’en défend dans un long article, modèle du genre, passé, depuis lors, à la postérité. Guillaume Froehner, lui aussi, moins connu, en quête de légitimité, peut-être, n’a pas aimé non plus. Moins aboutie, franchement ratée ou imprécise, accusait-on, sa critique de Salammbô n’en vexe pas moins, si ce n’est plus, Flaubert qui se devait de répondre à la salve en règle de ses contempteurs. C’est chose faite très vite, sitôt l’accusation ayant fini l’œuvre de destruction, en une suite d’articles tous plus lumineux les uns que l’autre. Flaubert, à l’énergie d’une vexation, presque défié, tellement certain de son bon droit, à grand renfort d’érudition monstre, y reprend tout, décortiquant argument par argument la plaidoirie adverse. Au final, ressort de la grande entreprise, un formidable exercice d’explication. Au travers de sa défense, c’est à un gigantesque travail d’érudition créatrice que se livre Flaubert. Tous les secrets d’un extraordinaire roman vous sont ici livrés.