Aborder l’œuvre de Jules Verne par le prisme de l’écologie peut surprendre. N’est-ce pas faire preuve d’anachronisme ? Kevin Even démontre ici la pertinence de l’approche, en s’appuyant principalement sur trois romans, Les Indes noires, Sans dessus dessous et L’Invasion de la mer, dans lesquels l’exploitation des ressources naturelles est centrale. Ces trois textes sont issus des « Voyages extraordinaires », collection impulsée par l’éditeur Pierre-Jules Hetzel en 1866, qui définit un cadre aussi limpide que contraignant : faire l’éloge du progrès auprès de la jeunesse bourgeoise en provoquant son émerveillement par le romanesque, tout en l’éduquant aux discours scientifiques du moment. Pourtant, l’écrivain n’hésite pas à s’écarter de la ligne établie par son éditeur. L’ambivalence de ses récits, suggérée, entre autres, par l’ironie et la polyphonie, constitue un puissant contrepoids aux apologies de la colonisation ou de l’industrialisation à outrance. Que Jules Verne aborde la question par l’ajout récurrent de discours inquiets du devenir de la Terre ou pour condamner toute forme de démesure, il se révèle un précurseur de la littérature environnementale et un auteur de référence dans le champ de l’écopoétique.