"De mille pourprines larmes" : lecture des Théorèmes de Jean de La Ceppède
Paul-Claude Carli
Editeur: Editions du Cerf
Jean de La Ceppède, président du parlement d’Aix-en- Provence et familier d’Henri d’Angoulême, est l’auteur d’une oeuvre marquée par la Contre-Réforme et la pensée néo-stoïcienne. Brillant poète dévot, il est aujourd’hui autant respecté par les seiziémistes que méconnu des manuels de littérature contemporains. Pourtant, au coeur même des guerres de religion, ce magistrat de haut rang avait attesté de sa foi et de son érudition dans une poésie puissante, qui témoignait aussi de son engagement gallican, actualisé dans une carrière de parlementaire toujours fidèle à ses rois.
Somme éblouissante de 520 sonnets consacrés à la Passion, les Théorèmes Spirituels se réclament formellement de la poésie ronsardienne, alors qu’ils en répudient le caractère profane. Hybrides génétiquement, ils sont autant « Amours » hrétiennes, canzoniere dévot, qu’épopée, manuel de méditation et d’oraison.
Dans une autofiction poétique, le poète se présente comme le témoin bouleversé de la Passion du Christ et, à travers la kénose de la Croix, donne à voir et à entendre par son témoignage personnel, les supplices injustes infligés à un dieu incarné.
Parée selon une esthétique baroque, l’oeuvre intrique subtilement des sonnets et un commentaire très riche de la main même de l’auteur. Cette lecture des Théorèmes Spirituels, qui se veut holistique, réhabilite les annotations en prose, érudites et élégantes, et interroge le rôle herméneutique pris par les images dans la démarche méditative.
La Ceppède n’hésite pas à s’appuyer sur l’exégèse de graves autorités ecclésiastiques, mais fait aussi appel aux lumières d’hommes de science de la Renaissance finissante, pour étayer sa méditation, ouvrant ainsi une perspective originale sur la France moderne, dans toute sa complexité. Enfin, cette oeuvre testamentaire, dont la composition couvre plus de neuf années, demeure le témoignage poétique d’une foi vibrante. Cette oeuvre singulière – même dans son temps – approche la vérité d’un homme qui, dévoilant la langue du dialogue intime entre l’orant et son Rédempteur, se livre sans affèterie dans des vers devenus carmes inspirés.