Comment écrire pour bien restituer le passage du côté des animaux, pour bien reconstituer des individualités, des sociabilités, pour bien faire saisir et faire ressentir des expériences, des sensations, des vécus différents des nôtres ? La question n’est pas oiseuse, elle est même tout à fait scientifique, contrairement à ce que d’aucuns croient depuis le grand partage instauré entre les sciences et les arts – partage sur lequel d’autres conviennent qu’il faudrait revenir, non pas pour faire ou pour dire n’importe quoi, mais pour mieux faire et mieux dire. D’autant que toutes les sciences sont humaines, avec des questions, des méthodes, des concepts, des lectures forgés par les humains pour parler en l’occurrence d’autres vivants, d’autres animaux. Tout discours scientifique est aussi une littérature et une mise en scène, même en éthologie comme dans les grands livres d’un Charles Darwin, d’un Jakob von Uexküll, d’une Jane Goodall, d’une Diane Fossey. Dans les autres disciplines, en histoire, en anthropologie, en sociologie, en abordant les animaux pour eux-mêmes, cette question de l’écriture doit être posée, et elle peut l’être avec une grande franchise, à la fois salutaire – il s’agit de ne pas être dupe de l’acte d’écrire – et fructueuse, pour s’en servir comme d’un instrument scientifique supplémentaire. Ce livre, auquel ont contribué des éthologues, des linguistes, des sémioticiens, des littéraires, des psychologues, des anthropologues et des historiens, s’adresse à tous les chercheurs des sciences de la vie et des sciences humaines – et au public passionné d’animaux.