« Je ne m’étais jamais sentie aussi isolée que pendant ces moments dans la rue. Je comprenais que la déréliction était un venin qui pouvait tuer à la vitesse du poison d’un crotale.
J’avais perdu tout autre objectif que celui de survivre, celui de me nourrir quoi qu’il advienne et de pouvoir dormir en ayant le moins froid possible. Mais également celui de ne plus subir de violences sexuelles ou d’agressions physiques de toutes sortes. Car il était assez fréquent que des personnes, et même des nationaux, se fassent brutaliser devant moi.
Finalement, dans la rue, nous étions tous semblables face à la violence et à l’errance. Que nous soyons uniquement des sans domicile fixe ou encore des immigrés, avec ou sans pièces d’identité, nous étions tous des exilés de la misère. Nous avions tous cette crainte des protestations. Nous restions dans cette brutalité et dans cette détresse assourdissante, comme si nous nous plaisions à vivre dans ces conditions. L’engrenage restait le même pour les personnes attaquées, qui ne voulaient en général pas se plaindre, encore moins alerter les forces de l’ordre qui ne prenaient jamais leurs doléances en considération. »