Après avoir bâti au XXe siècle un monde fondé sur l'exploitation et la consommation de ressources fossiles, les multinationales du secteur de l'énergie se trouvent désormais confrontées à la nécessité de devoir en sortir. A la fois exceptionnel et paradoxal, ce moment du capitalisme se caractérise par une mutation inédite de ces entreprises.
En plongeant dans le quotidien des opérations de transformation déployées par l'entreprise ENGIE entre 2016 et 2020, Sortir du monde fossile explore la manière dont une multinationale est mise en mouvement par la crise climatique. Nourrie par des terrains aux Philippines, en Chine et à Singapour, cette enquête éclaire les pratiques matérielles et sémiotiques par lesquelles une entreprise est amenée à recomposer sa présence et ses ancrages à la surface de la planète. Que ce soit sur une île reculée ou dans une mégalopole tentaculaire, on voit se dessiner les frictions et les résistances qui traversent le geste de territorialisation, rendant celui-ci à la fois précaire et incertain.
L'image d'une mondialisation qui se déploie de manière monolithique et irrésistible cède ici la place à un foisonnement de mouvements heurtés, parfois empêchés, où les contacts établis aux quatre coins de la planète ne se transforment que rarement en des connexions globales stabilisées. De cette description, il ressort le fait que pour sortir du monde fossile, les multinationales de l'énergie se lancent dans une vaste opération d'exploration et de fabrication de nouveaux ancrages, signant par là une nouvelle forme d'expansion territoriale du capitalisme.
En articulant les apports de la théorie de l'acteur-réseau, de l'histoire connectée, de l'ethnographie et de la sémiotique, l'ouvrage dégage une perspective inédite sur les relations entre le réchauffement climatique, les entreprises de l'énergie et la mondialisation.