Le parallèle beauté scientifique/beauté artistique peut être mieux saisi à partir de la question de la beauté naturelle. La beauté naturelle, avec l’idée de mesure, harmonie et proportion, a toujours fonctionné comme mesure pour la formulation des critères esthétiques de beauté. Au milieu du xxe siècle, Aldo Leopold (1949) a forgé une pensée visionnaire où la beauté paysagère ne ferait plus appel aux critères classiques de définition de la beauté (couleurs, formes), mais à l’harmonie écologique des différents éléments d’un écosystème, définie par leur degré d’évolution (maturité) et les processus qui les relient. La beauté serait ainsi davantage fonctionnelle que perceptive, et hautement dynamique puisque fruit d’une histoire et tournée vers l’avenir. Le plaisir du spectateur contemplant la beauté d’un paysage ne vient alors plus de stimuli sensoriels, mais d’une compréhension intellectuelle de l’esthétique écologique du paysage observé. Repenser le paradigme du beau naturel dans le contexte actuel de crise écologique, de pollution grandissante et de réchauffement climatique permet de revisiter aussi bien la douce rêverie que l’expérience du sublime, tout en interrogeant la naturalité d’une nature artialisée et artificialisée.