Au-delà d'Euthyphron
Ide Lévi
Editeur: Editions du Cerf
« Ce qui est pieux est-il aimé des dieux parce qu’il est pieux, ou est-ce parce qu’il est aimé d’eux qu’il est pieux ? » En philosophie contemporaine, on parle de « dilemme d’Euthyphron » pour renvoyer à une famille de problèmes dont l’alternative socratique, dans l’Euthyphron de Platon, est l’antique ascendant. Si les valeurs et les normes morales règlent objectivement et nécessairement le jugement et la conduite de tout agent, et ceux de Dieu lui-même, comment un tel Dieu est-il encore souverain et libre ? Mais s’il revient au contraire à Dieu ou aux dieux d’instituer les lois morales, qu’en est-il de l’indépendance des exigences éthiques à l’égard des désirs et du bon vouloir des agents, celle-là même qui fait apparemment leur valeur absolue et que l’on peut, à ce qu’il semble, opposer à la contingence et à la tyrannie des volontés personnelles ?
Le présent ouvrage fait de l’étude du dilemme d’Euthyphron, sous quelques-uns de ses avatars médiévaux et contemporains, le point de départ d’une réflexion sur les fondements de l’éthique et les conditions de la normativité morale. Si l’alternative historique fait à bon droit du débat sur le réalisme des valeurs et des normes morales un problème central, aujourd’hui encore vivace, elle réduit aussi les possibilités métaéthiques, disqualifiant d’emblée le point de vue pratique de l’humanité. Ce livre cherche à défendre le caractère indépassable de ce dernier, au nom de la thèse internaliste qui affirme que le pouvoir de sollicitation morale est essentiellement dépendant des attitudes et dispositions pratiques des agents qui y sont soumis.